mercredi 3 avril 2013

Dear you, sweet sixteen

A toi,
**
à toi que j'ai été il n'y a pas si longtemps et à qui je repense avec une pointe de tendresse - bien que je ne regrette pas une seule seconde ton époque. A vous, mes seize ans et mes espoirs déçus de l'époque. 
Ce n'était pas facile, hein, d'abandonner tout ton univers pour débarquer dans ce grand lycée sans tes copines, sans ton groupe rassurant avec qui tu refaisais le monde. Tu te rappelles le premier cours, cette présentation où tu avais retenu tes larmes de justesse en griffonant les slogans qui habitaient tes journées sur ton agenda décoré avec amour pendant l'été ? Tu te souviens du banc où tu retrouvais le seul garçon vestige de ton collège à la récréation, ce même banc où tu t'étais battue avec un crétin qui vous avait insultés ? Tu te souviens de ton horreur pour les maths et de ce professeur chauve qui t'avais transmis son amour pour la physique ? Tu te souviens de ta place sur le plan de classe, entre O. lafillelaplusbelledumonde que tu admirais et P. le garçon que tu observais de loin ? 

Un jour tu avais embrassé ton amoureux, ce mec qui connaissait tout de toi et que les autres appelaient "Nirvana" - époque rock and roll oblige - et quelques secondes après tu avais eu cette pulsion qui  te pousse à tout détruire et tu lui avais dit que c'en était fini, de votre drôle d'histoire. C'est peut être là finalement que tu avais commencé à avoir ces disputes avec ton propre esprit, ces moments où tu places ta vie sur un fil, où tout peut basculer d'une seconde à l'autre. Je crois qu'avec du recul, tu n'allais pas très bien, vraiment pas très bien. Un soir où soudain tu avais réalisé l'ampleur de cette tristesse enfermée, où ton corps te semblait dégoutant et où tu aurais voulu être plus forte, encore plus forte, toujours plus forte, tu avais trouvé une manière de te défouler. Tu avais appris à cacher les cicatrices sous tes tonnes de bracelets brésiliens et à trouver des explications complètement farfelues mais qui satisfaisaient ceux qui les appercevaient. 

Mais toi, tu le sais, il y avait aussi un tas de rêves qui t'habitaient. Tu voulais devenir cardiologue, tu trouvais ça joli comme image réparer les coeurs des gens et pourtant tu préfèrais t'imaginer sur une Vespa, keffieh au vent, allant à la Sorbonne (dont tu ne connaissais que le nom, d'ailleurs) que dans un bloc opératoire. Tu avais découvert la Corse et ta passion pour cette île m'est restée, aujourd'hui encore quand je n'arrive pas à m'endormir je me rappelle cette plage. Tu voulais être grande et faire cequejeveux, tu te sentais tellement libre quand tu allais sur la mobylette (sans casque, pfff) de cette fille et que vous séchiez les cours... Tu te souviens que tu ne voulais pas boire une seule goutte d'alcool et que tu détestais la nourriture japonaise [ha-ha] ? Tu noirçissait déjà des pages de mots, par contre. C'était ton carnet intime qui avait le droit de recueillir tes milliards de listes, tes lettres à ton amoureux perdu, le récit de tes vacances en colonies - ces moments de bonheur intense.
Tu ne savais pas ce que tu allais devoir traverser bientôt, bien tôt, bien trop tôt. On n'en parlera pas, hein. Mais tu as réussi, et je suis là aujourd'hui.

ps : tu sais, ta liste des chosesàfaireavantdemourir, je les ai tous faits, même ceux pas encore cochés à l'époque (claquer quelqu'un qui m'énerve, me trouver mince, aller en boîte, me dire que je suis heureuse) & surtout, j'en ai rajouté plein plein plein.
pps : quand tu écrivais La vie est belle sans trop y croire sur ton Eastpack noir couvert de pins, tu avais raison. Oui elle est belle, si tu savais


Seize ans, Corse 
inspiré de cet article 

14 commentaires:

  1. Quelle jolie lettre. Je suis sûre que ta toit de 16 ans aurait adoré la lire. Qu'elle serait heureuse de savoir que tu vas bien.

    RépondreSupprimer
  2. Dear you, sweet miss pouic,
    je ne sais pas exactement quel âge tu as (24, 25 ?) mais ta maturité me laisse admirative. Le regard que tu portes sur l'ado que tu étais il n'y a pas si longtemps est plein de recul, d'acceptation, de tendresse et je sais que ce n'est pas donné à tout le monde de pouvoir le faire.

    RépondreSupprimer
  3. Je me souviens de cette période si difficile que tu as su parfaitement et joliment retranscrire. Cette période où on est mal dans sa peau plus d'enfant mais pas encore d'adulte et où finalement il faut choisir entre vivre ou mourir. J'espère que ces souvenirs m'aideront à accompagner mes nains adorés plus tard... En attendant, you dit it ;-)

    RépondreSupprimer
  4. Holala, finalement tout n' est qu' un éternel recomencement. Et les choses passées que nous aimions sont aujourd'hui hu d' actualité.

    RépondreSupprimer
  5. Plus de 10 ans depuis mes 16 ans, ohhh que j'ai aimé - moi - mes années lycée ...
    La preuve je n'ai pas fait à l'époque de liste deschosesàfaireavantdemourir . (et je dois dire que je trouve que tu assures pour avoir tout coché sur la tienne en moins de 6 ans ! )
    A 22 ans j'étais Maman depuis quelques mois . J'étais heureuse . J'avançais moi aussi à ma façon ...

    Tu vas adorer les années à venir vu le chemin parcouru rien que depuis le début de se blog !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je dois avouer que ma liste deschosesàfaireavantdemourir était assez facile : "dormir à la belle étoile, manger des pancakes, passer la journée en pyjama, retourner en Corse..." ;)

      Supprimer
    2. ouhhh ma faute ! The honte . ==> CE blog

      Va falloir corser la liste alors pour "afaireavant30ans" LOL

      Supprimer
  6. Je n'ai pas la capacité à écrire si bien que toi, et je ne prends pas le temps, surtout...
    Je voulais juste te dire que tu n'étais pas seule. J'ai lu jusqu'à décembre, tes articles( malgré ma tonnes de TD à préparer.. )et j'en ai pleuré.

    Moi aussi, je suis externe, moi aussi j'aime Paris, et moi aussi j'ai eu une peine de cœur avant mes rattrapages...
    Je me retrouve tellement ds ce que tu décrits que j'ai faillit mettre ton blogue sur mon mur fb... Puis je me suis dit que non, ce n'était pas une bonne idée, je l'enverrai seulement à l'amie qui me ressemble, qui elle aussi, ne supporte pas la hierarchie, la froideur et l'usine de l'hôpital, qui a du mal avec les internes trop surs d'eux, qui pense qu'ellevattrater mais qui ne se voit pas faire autre chose que medecine-parce-que-c'est-qd même-formidable...

    Merci de mettre en mots ce qui est difficilement explicable,

    A bientôt,

    Marion

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ah non mais je veux pas faire pleurer moi ! Marion, j'aimerais bien te répondre plus longuement... je ne sais pas si on reçoit un mail quand je réponds aux commentaires, mais si oui, alors je veux bien ton adresse mail à toi.

      Supprimer
  7. Trop bien, moi c'est mary468@hotmail.fr
    Et la, je ressens tout a fait ce que tu dis parce que j'ai la chance d'avoir l'ange de la Bastille qui veille sur moi et mes cours pour 1 semaine! :)

    RépondreSupprimer
  8. J'ai tellement aimé vos billets, à toi et à la Défraîchie, que je vais vous copier.

    RépondreSupprimer
  9. J'écris, je griffonne, je rature,
    je ne sais comment te dire de garder toujours cette sensibilité que tu as,
    cet oeil parfois critique sur les soins,
    cette mise en question,
    cette envie de donner tellement de sens à ton travail..
    Ne te décourage pas,
    les couloirs des hôpitaux ont besoin de pas feutrés, comme les tiens..

    RépondreSupprimer