mercredi 24 décembre 2014

Des ahuris / des ébahis / qui guettent les comètes / les planètes et les épiphanies

J'ai vingt-quatre ans et la forme physique d'une vieille dame de quatre-vingt hivers, fatigue chevillée au corps et yeux cernés d'apprendre toutes ces maladies. J'ai vingt-quatre ans et le sourire d'une enfant, petite fille écarquillés devant tout ce qui brille et qui réchauffe, le cœur qui s'emballe un peu trop vite pour un peu trop tout, des papillons dans le ventre et des rêves partout dans la tête. J'ai vingt-quatre ans et je suis debout, me dandinant parfois d'une jambe sur l'autre, vacillant quand on me bouscule mais malgré ça toujours droite, les yeux vers l'horizon et les pieds cramponnés à ce fil qui m'a semblé si fragile et chancelant. J'ai vingt-quatre ans et derrière moi les espoirs de l'hiver dernier, l'ironie des douze derniers mois s'est chargée de me rappeler l'absurdité des vœux d'anniversaire. Je marche droit, la vie devant. 2014 ne se sera pas fait sans larmes. J'ai quelques bleus au cœur, les ongles un peu rongés, je tire sans cesse sur ma jupe qui remonte et fais toujours le même sourire gêné sur les photos. Je suis un peu plus depuis quelques mois et je redécouvre toutes ces choses que j'avais oubliées de moi. Il y a une main qui tient fort la mienne et ne semble pas vouloir se dérober lorsque je laisse s'échapper des brides de vrai. Il y a eu des larmes, oh oui, mais il y a eu aussi tellement de sourires radieux, de cheveux au vent, de poings serrés, & puis de l'amour timide et des cœurs qui palpitent. Il y a eu la maladie, celle qui s'accroche encore et toujours depuis six ans et qui en nous écartelant nous resserre un peu plus. On continuera d'apporter des gâteaux au yaourt sur des plateaux fleuris au fin fond d'un service de soin palliatif si ça peut faire éclore un sourire, on ne se lâchera jamais les mains dans les églises gelées, on y lira aussi des textes de Brassens, on essaiera de garder malgré tout un peu d'espoir et on continuera d'en rire, derrière le rideau de douleur, de notre famille cabossée qui s'aime tant. Et puis on boira des coups, là-bas, sur une petite île près de la Turquie, avec du vin doux et de la pastèque en leur honneur. On se serre et on s'embrasse, j'ai vingt-quatre ans, on trinque, à nos amours.


samedi 6 décembre 2014


Il y a un an on avait mangé des éclairs au café au milieu de la nuit. Oui, c'est de ça dont je me rappelle. Notre course folle, zigzaguants entre les voitures ivres de chagrin, pour aller chercher le paquet soigneusement emballé que ma mère était allé acheter avant d'accourir à l'hôpital. Je crois que je n'ai même jamais su à qui ces éclairs étaient destinés, mais leur goût sucré au milieu des larmes qui coulaient sur nos joues rouges, dans le noir de la nuit et le froid de décembre, mangés à petites bouchées sur ces marches gelées de la sortie de secours, ça, je me souviens. Leurs yeux frottés, la télévision du gardien qui vociférait, la douceur des cheveux bouclés de ma cousine que j'ai caressés sans fin, la bouche qui tremblait de mon cousin, si petit recroquevillé dans les bras de sa mère, et puis nos rires, malgré tout, contre cette vie qui s'acharne. Cette drôle de pièce remplie de fausses fleurs et de tasses émaillées pour recueillir la douleur de ceux qui restent et ma tête qui tombait encore et encore alors que je tentais de maintenir tant bien que mal mes yeux ouverts. Je voulais tenir jusqu'au bout - moi aussi -. Il y a eu tout ce qui est trop difficile pour être écrit et même prononcé, la détresse profonde dans les yeux de ceux qu'on aime, et ces images immondes de la maladie qui gagne. Tout ce qui s'invite dans les cauchemars et qui sort en gerbe ce soir. 
On l'a fait. 
& on n'oublie rien. Du tout.