jeudi 26 mai 2016

Il y a un an. Je fais tourner dans ma poche la sucette rapportée de Belle Ile par les parents de N., parfum citron, que je n'arrive pas à manger, tandis que ma mère conduit dans les embouteillages parisiens. J'ai choisi une tenue dans laquelle je me sens moi, blouse liberty et collier nuage, mais je crois que je me suis perdue depuis longtemps. On a mesuré nos cernes avec une règle Marine et moi, un soir où il fallait bien trouver matière à en rire, de nos journée pyjama-chignon sale passées à faire des annales qu'on finit pas connaitre par cœur sans y comprendre plus rien. J'ai pris une énorme valise alors que ça ne dure que trois jours, mon père me trouve bizarre, ma mère me dit que j'ai bien raison. Arrivées à l'Ibis sordide du nord de Paris on déballe un appareil à croque monsieur et des bières, pour faire genre, tout va bien mais oui tout va bien, et on mange assises sur le grand lit elle et moi. Il y a les gens de la fac que je n'aime pas dehors, et surtout il y a celui d'avant qui a réussi, même aujourd'hui, a apporter encore un peu d'angoisse et de douleur en récupérant les clés de la chambre que je lui avais réservée du temps où on aurait du venir ensemble. Ces nuits là je n'ai pas dormi, je n'ai pas pleuré, mais j'ai enchaîné les crises d'angoisse (avec la définition qui défile dans le cerveau) (ce qui n'arrange rien, avouons le) et les textos à E. pour essayer de me calmer. Au matin je suis allée jouer mes prochaines années dans un hangar au dessus duquel il y avait une course de moto (oui oui), j'ai vomi sur le papier tout ce que je pouvais pour essayer de mériter pédiatrie-Paris, pis finalement j'ai pas réussi. Parmi les deux options fallait choisir et j'ai du faire un compromis. J'aime pas les compromis. J'ai été fâchée, très, puis j'ai été triste, longtemps. Il y a plusieurs mois un chef m'a fait chialer au beau milieu du service en me cuisinant sur l'ECN. C'est pas complètement accepté, mais on s'apprivoise, l'échec et moi, et depuis quelques semaines la cohabitation se fait plus facile. Il y a bien sûr les heures à la mer volées aux week-end d'astreinte, les cookies qui cuisent de nouveau dans ma cuisine et les soirées burgers avec les amies parisiennes qui viennent dormir parfois, l’apaisement que je gagne peu à peu en apprenant à dire non, et puis surtout il y a le changement de stage. Je n'ai plus besoin de me cacher dans les toilettes pour chialer le mépris des chefs, je passe beaucoup plus de temps à l'hôpital mais j'y reviens chaque matin le sourire aux lèvres parce que j'ai l'impression d'avoir été utile, quand j'arrive à faire bien, on me le dit. Et puis je dors de nouveau la nuit (et ça, ...). Je sors du tunnel de ce premier semestre en réalisant que tout ce qui me plaisait dans la médecine ne m'a pas complètement désertée, finalement, et que ce truc noir qui m'envahissait se limite désormais aux staff auxquels je dois assister dans l'ancien service. 
A la moi d'il y a un an, eh, arrête de râler contre ceux qui te disent que tout le monde est heureux de ce qu'il a finalement, t'es rentrée dans le cliché. 



3 commentaires:

  1. C'est beau et un peu triste aussi, mélancolique plutôt. C'est tellement vrai en fait.

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  2. Il y a de la joie et des larmes. Il y a du doux et du dur. Il y a la vie, tout simplement. Bien que ce ne soit pas si simple, en fait ... Heureuse que tu apprennes à dire non, on apprend toujours trop tard quand on est très sensible, et pourtant, pourtant, ça devrait être livré en kit à la naissance, tant ça peut nous sauver la mise !
    Je t'embrasse :)

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  3. J'aime ton récit, on sent la lumière trouver sa place!

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