On y passe la journée les pieds dans l’eau et la nuit juste
sous les étoiles. Partout, le ciel et la mer échangent leurs nuances de
bleu au point de se confondre à l’horizon au milieu des autres îles grecques
que l’on distingue quand le soleil se couche. On mange de la pastèque sur la
terrasse qui surplombe le village, on boit du vin doux qui râpe un peu la
langue, puis on se rend à la taverne et on commande une quantité irraisonnée de
saganaki pour finalement se disputer les miettes. On roule bien trop vite dans
les routes de montagne avec la musique si fort qu’elle fait vibrer les sièges
de la vieille voiture de location et on s’arrête au milieu du chemin pour
prendre une millième photo de la mer, la mer, la mer. On se fait offrir des poires tout juste cueillies dans leur jardin par les veilles personnes du
village, on m’apprend quelques mots que je répète en boucle et - évidemment - ils se moquent de mon accent. Agapimou
agapimou agapimou. On chante à tue-tête en inventant les paroles en grec,
on rit sans pouvoir s'arrêter dans la mer - et on boit des litres d’eau salée -, on
fait la course jusqu’à la bouée, et puis celle d’après, encore plus loin,
toujours plus vite. Une fois je conduis la grosse jeep dans les chemins
poussiéreux en poussant l’accélérateur jusqu’à faire crier mon père, et le vent
qui fait battre mes cheveux sur mes joues me donne l’impression d’être
profondément là, intensément vivante à cet instant précis. Mes poumons
s’emplissent entièrement de l’air chaud qui a cette odeur si parfaite que je ne
retrouve qu’en Corse et ici et que j’aimerais tant garder dans un bocal, comme
ceux que j’emplissais de sable quand j’étais gamine, juste pour pouvoir ouvrir
le couvercle quand décembre viendra et que j’aurai oublié comme c’est bon
d’inspirer à chaque seconde la figue, le pin, l’iode et l’asphalte brûlé. Et
comme on est sur l’île de toutes les folies et que mon ventre s’est dénoué et
mes épaules dépliées depuis mon arrivée, à la tombée du jour le dernier soir je
décide de ne pas perdre une seule seconde à dormir. Je retrouve Y. au milieu de
la nuit et on roule jusqu’à un monastère qui surplombe la baie, on regarde les
lumières qui clignotent sur la plage et on fait un concours d’étoiles filantes.
Il me dit qu’il a déjà essayé plusieurs fois de compter les étoiles et je lui
réponds qu’il devrait plutôt tenter sa chance à Paris, ici le ciel est impressionnant de
pureté et même la lune semble s’être cachée pour ne pas nous gâcher le spectacle
des milliards de millions d’étoiles. C’est
moche étoile, je préfère asterias il explique avec son accent grec qui me
fait tellement rire. Je profite des derniers grains de sables entre mes
orteils, je sens encore un peu mes épaules brûler, et puis il faut m’arracher à
la mer pour aller manger une dernière pita et of course des loukoumades avec mes cousins. Cette île qu’il nous a
laissée en héritage me donne envie de vivre encore plus grand, sentir mon cœur
battre toujours plus vite. Sur le toit de l’île, dans un tout petit monastère
qui fait face à la Turquie je leur ai dit merci, à l’île, à lui. Et à l’année
prochaine.
C'est très joli, asterias. Et le bleu, le bleu, le bleu, tout ce bleu, tous ces bleus, sauf le bleu à l'âme.
RépondreSupprimerUne belle bouffée d'air marin, de chaleur grecque et de joie, merci pour ce beau moment à te lire.
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