mardi 23 juillet 2013

Suis toujours l'horizon

Même si je me suis empêchée d'y penser, que j'ai repoussé l'idée au plus profond, que chaque jour le décompte commençait par il me reste encore au lieu d'il n'y a plus que, il a bien fallu retrouver la réalité un matin. Sept heures cinquante neuf, aéroport de Roissy Charles de Gaulle. L'enfant brailleur assis à côté de moi avait enfin fermé les yeux, l'avion s'est posé sur le train d'atterrissage et une seule larme a coulé sur ma joue [un jour je comprendrai pourquoi il n'y a que mon oeil gauche qui pleure]. J'ai repris le métro parisien, j'ai coupé mes bracelets et gratté gratté gratté le vernis à paillettes. Le sacàstage avec ma blouse propre et repassée a remplacé ma valise sur mon pouf et je me suis enfin résolue à lire le planning des blocs. A l'aéroport de Cancùn j'avais marché seule des kilomètres pour trouver le terminal et à chacun de mes pas mon ventre se tordait comme pour me signifier que lui non plus ne voulait pas rentrer. Ce n'est pas tant partir de là qui me retournait les tripes, c'était y retourner. J'aurais pu rester des jours en transit dans cet aéroport de l'autre bout du monde, coincée entre une petite fille mi chinoise mi allemande qui commentait à voix haute ses dessins et ce vieil américain qui puait la frite, tout tout tout pour ne pas retrouver les matins qui piquent à me lever pour aller à ce bloc glacial. Y retourner, ça veut dire remonter dans le train du quotidien duquel presque rien ne dépasse. Répondre aux amis qui me proposent de partir une semaine avec eux là tout de suite que je ne peux pas, je travaille. La plupart sont déjà des grands avec un vrai métier et pourtant c'est moi, l'éternelle étudiante, qui n'a pas de vacances d'été. C'est étrange de se dire qu'on travaille quand en fait on commence juste à apprendre les choses et que le moment où on sera pour de vrai dans la vie active [il est moche ce mot, je suis déjà active là, non ?] semble un horizon très (très) lointain. Parfois je réalise que je vais passer chacun des prochains jours de mon existence dans des hôpitaux, et je suis prise d'un vertige. Oui je l'ai choisie cette blouse blanche, pour tout un tas de raison qui font que je n'aurais rien pu faire d'autre et que je voulais ne faire absolument que ça. Oui mais, oui mais j'aimerais avoir le droit à plusieurs vies. J'aurais adoré avoir une patisserie-salon de thé-librairie pour passer ma journée entourée de ce qui réconforte, ne pas faire d'études si longues, avoir plein d'enfants avant trente ans, ne jamais connaitre l'horreur de certaines douleurs qu'on ne croise qu'à l'hôpital, qui nous tombent dessus un matin et ne nous lachent plus vraiment jamais. J'en ai des tas de ces rêves d'autres destins, certains complètement inavouables et d'autres pour lesquels je me fais croire qu'un jour, peut être... Si vous me croisez quand je serai grande, vous me le direz, hein, que quand j'avais sept ans je disais déjà à ma mère que quand je serai grande je soignerai les gens ? Vous me le direz que même si il y a des tonnes d'autres vies je l'ai toujours voulue celle là ? 

c'est beau, la mer sous l'orage

mardi 16 juillet 2013

À l'aéroport de Miami je lis un magazine où une chaman explique que la gratitude et l'émerveillement sont les meilleures voies vers le bonheur. L'émerveillement est ce que c'est me répéter toutes les cinq minutes jesuisàmiamijesuisàmiamijesuisamiami (et jevaisaumexiquejevaisaumexiquejevaisaumexique) et surtout effacer l'idée même qu'un jour pas si lointain ça sera derrière moi ? C'est la lumière toute particulière ce matin lorsqu'on nageait dans une mer verte transparente en ne voyant que la plage à perte de vue, son sable blanc et ses buildings. C'est me réveiller au milieu de la nuit au son de LA musique qui me renvoie douloureusement un an en arrière, puis tourner la tête et le voir endormi à côté de moi, à portée de coeur. C'est cette fille assise sur la rangée d'en face dans la salle d'embarquement qui a les yeux brillants d'émotion en parlant dans son iPhone rose et le sourire qui me monte aux joues. C'est les pancakes arrosés de vrai sirop d'erable face à la mer, c'est le SMS de ma mère qui dit "Profite, et c'est pas moi qui le dit", c'est mon ventre qui se gonfle d'émotion quand je réalise l'heureux chemin dans lequel je marche en ce moment. 
Au moment où le deuxième avion allait décoller il a glissé sa main dans la mienne. Allez viens, on s'envole.